Comme dans l'éponge il y a dans l'orange une aspiration à reprendre contenance après avoir subi l'épreuve de l'expression. Mais où l'éponge réussit toujours, l'orange jamais: car ses cellules ont éclaté, ses tissus se sont déchirés. Tandis que l'écorce seule se rétablit mollement dans sa forme grâce à son élasticité, un liquide d'ambre s'est répandu, accompagné de rafraîchissement, de parfums suaves, certes, -- mais souvent aussi de la conscience amère d'une expulsion prématurée de pépins.Faut-il prendre parti entre ces deux manières de mal supporter l'oppression ? -- L'éponge n'est que muscle et se remplit de vent, d'eau propre ou d'eau sale selon : cette gymnastique est ignoble. L'orange a meilleur goût, mais elle est trop passive, -- et ce sacrifice odorant. . . c'est faire à l'opresseur trop bon compte vraiment.
Mais ce n'est pas assez avoir dit de l'orange que d'avoir rappelé sa façon particulière de parfumer l'air et de réjouir son bourreau. Il faut mettre l'accent sur la coloration glorieuse du liquide qui en résulte et qui, mieux que le jus de citron, oblige le larynx à s'ouvrir largement pour la prononciation du mot comme pour l'ingestion du liquide, sans aucune moue appréhensive de l'avant-bouche dont il ne fait pas hérisser les papilles.
Et l'on demeure au reste sans paroles pour avouer l'admiration que suscite l'enveloppe du tendre, fragile et rose ballon ovale dans cet épais tampon-buvard humide dont l'épiderme extrêmement mince mais très pigmenté, acerbement sapide, est juste assez rugueux pour accrocher dignement la lumière sur la parfaite forme du fruit.
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Mais ce n'est pas assez avoir dit de l'orange que d'avoir rappelé sa façon particulière de parfumer l'air et de réjouir son bourreau. Il faut mettre l'accent sur la coloration glorieuse du liquide qui en résulte et qui, mieux que le jus de citron, oblige le larynx à s'ouvrir largement pour la prononciation du mot comme pour l'ingestion du liquide, sans aucune moue appréhensive de l'avant-bouche dont il ne fait pas hérisser les papilles.
Et l'on demeure au reste sans paroles pour avouer l'admiration que suscite l'enveloppe du tendre, fragile et rose ballon ovale dans cet épais tampon-buvard humide dont l'épiderme extrêmement mince mais très pigmenté, acerbement sapide, est juste assez rugueux pour accrocher dignement la lumière sur la parfaite forme du fruit.
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ANALYSE
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On peut remarquer que dans ce poème en prose, Ponge a personnalisé l'orange. On lui attribue des sentiment, un caractère. Le lecteur considère alors l'objet comme un être humain.
Durant de nombreuses descriptions du fruit, les quatre sens trouvent place: le goût, le vue, le toucher et l'odorat. L'ouïe se fait remarquer par des allitérations. Les mots qu'utilise Francis Ponge la fait éxister alors qu'elle semble se vider: "cellules éclatées, tissus déchirés".
L'orange, en tant qu'objet, ne peut s'exprimer mais arrive à faire pronnoncer son nom "oblige le larynx à s'ouvrir largement pour la prononciation du mot".
On a l'impression que Francis Ponge nous transcrit bien plus que ces cinq sens. Lorsqu'il parle de "prendre parti", "d'opresseurs". Il faut prendre en compte que nou somme en 1942, durant la guerre.
Nous dirions de Francis Ponge que "si nous ne mangeons plus l’orange comme « nous habitons la maison », c’est parce qu’en nous faisant ré-entendre le « bruit de ses syllabes » , il fait œuvre de poète".